Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/108

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Wronsky regarda Levine et la comtesse, et sourit.

« Alors, vous habitez toujours la campagne ? demanda-t-il. Ce doit être triste en hiver ?

— Pas quand on y a de l’occupation ; d’ailleurs on ne s’ennuie pas tout seul, répondit Levine d’un ton bourru.

— J’aime la campagne, dit Wronsky en remarquant le ton de Levine sans le laisser paraître.

— Mais vous ne consentiriez pas à y vivre toujours, j’espère ? demanda la comtesse.

— Je n’en sais rien, je n’y ai jamais fait de séjour prolongé. Mais j’ai éprouvé un sentiment singulier, ajouta-t-il : jamais je n’ai tant regretté la campagne, la vraie campagne russe avec ses mougiks, que pendant l’hiver que j’ai passé à Nice avec ma mère. Vous savez que Nice est triste par elle-même. — Naples et Sorrente, au reste, ne doivent pas non plus être pris à haute dose. C’est là qu’on se rappelle le plus vivement la Russie, et surtout la campagne, on dirait que… »

Il parlait tantôt à Kitty, tantôt à Levine, portant son regard calme et bienveillant de l’un à l’autre, et disant ce qui lui passait par la tête.

La comtesse Nordstone ayant voulu placer son mot, il s’arrêta sans achever sa phrase, et l’écouta avec attention.

La conversation ne languit pas un instant, si bien que la vieille princesse n’eut aucun besoin de faire avancer ses grosses pièces, le service obligatoire et l’éducation classique, qu’elle tenait en ré-