Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/125

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pression de son aimable visage lui avait paru douce et caressante.

Elle tourna la tête au moment où il la regardait. Ses yeux gris, que des cils épais faisaient paraître foncés, lui jetèrent un regard amical et bienveillant, comme si elle le reconnaissait, puis aussitôt elle sembla chercher quelqu’un dans la foule. Quelque rapide que fût ce regard, il suffit à Wronsky pour remarquer dans cette physionomie une vivacité contenue, qui perçait dans le demi-sourire de deux lèvres fraîches, et dans l’expression animée de ses yeux. Il y avait dans toute cette personne comme un trop-plein de jeunesse et de gaieté qu’elle aurait voulu dissimuler ; mais, sans qu’elle en eût conscience l’éclair voilé de ses yeux paraissait dans son sourire.

Wronsky entra dans le wagon. Sa mère, une vieille femme coiffée de petites boucles, les yeux noirs clignotants, l’accueillit avec un léger sourire de ses lèvres minces ; elle se leva du siège où elle était assise, remit à sa femme de chambre le sac qu’elle tenait, et, tendant à son fils sa petite main sèche qu’il baisa, elle l’embrassa au front.

« Tu as reçu ma dépêche ? tu vas bien, Dieu merci ?

— Avez-vous fait bon voyage ? dit le fils en s’asseyant auprès d’elle, tout en prêtant l’oreille à une voix de femme qui parlait près de la porte ; il savait que c’était celle de la dame qu’il avait rencontrée.

— Je ne partage cependant pas votre opinion, disait la voix.