Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

effet. Ils sourient, avec un peu de mélancolie et souvent même de pitié du malentendu qui les a divisés un certain temps qui fut trop long. Ils s’unissent ; ils auront le bonheur, dans la mesure où l’homme peut l’avoir, parce que, jeunes, ils se sont mariés jeunes ; parce que purs ils se sont mariés purs, parce que, ayant tous deux quelque chose à se reprocher, ils n’ont pas plus à se reprocher l’un qu’à l’autre ; parce que, si Livine a eu quelques peccadilles de jeunesse qu’il déclare loyalement à Kitty, Kitty a eu un flirt avec Vronski, et n’a pas, pour ce qui est de l’immaculite avant le mariage, une trop grande supériorité relativement à Livine ; aussi parce qu’ils ont souffert un peu, l’un et l’autre et l’un par l’autre, avant de s’unir et que tout bonheur, ici bas, doit être un peu acheté et a précisément le prix qu’il a coûté.

Telle est cette très belle œuvre, aux grandes lignes simples et fermes, de composition nette, facile et puissante, dont tout le mérite de détail, qui est infini, ne saurait être exposé dans une courte notice et dont je ne puis ici mettre en lumière que les idées générales et les grandes vérités universelles qu’il contient.

Les défauts, que je crois que je sais voir, ne laissent pas d’être considérables dans cette belle œuvre. Sauf en Russie, tout le monde trouvera que la vie de Livine à la campagne fait un peu longueur. Que Tolstoi se soit attardé et appesanti sur cette partie de son ouvrage, cela nous vaut, il est vrai, la fauchaison, qui