Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/209

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jamais il n’avait compris une note de musique.

« Eh bien, que Dieu te bénisse ; je te quitte pour écrire à Moscou, dit Anna à la porte du cabinet où étaient préparées, comme à l’ordinaire, près du fauteuil de son mari, des bougies avec leurs abat-jour et une carafe d’eau.

— C’est cependant un homme bon, honnête, loyal et remarquable dans sa sphère », se dit Anna en rentrant dans sa chambre, comme si elle eût eu à le défendre contre quelque adversaire qui aurait prétendu qu’il était impossible de l’aimer.

« Mais pourquoi ses oreilles ressortent-elles tant ? il se sera fait couper les cheveux trop court. »

À minuit précis, Anna écrivait encore à Dolly devant son petit bureau, lorsque les pas d’Alexis Alexandrovitch se firent entendre ; il était en pantoufles et en robe de chambre, bien lavé et peigné, avec un livre sous le bras. S’approchant de sa femme avant de passer dans la chambre à coucher, il lui dit en souriant :

« Il se fait tard.

— De quel droit l’a-t-il regardé ainsi ? » pensa en ce moment Anna en se rappelant le coup d’œil jeté par Wronsky sur Alexis Alexandrovitch.

Elle alla se déshabiller et passa dans sa chambre ; mais où était cette flamme qui animait sa physionomie à Moscou et dont s’éclaircissaient ses yeux et son sourire ? Elle était éteinte, ou tout au moins bien cachée.