Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/215

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veaux casques ? Ils sont très bien, très légers. Il est donc là en tenue. — Non, mais écoute l’histoire…

— J’écoute, j’écoute, répondit Wronsky en se frottant le visage avec un essuie-main.

— Une grande duchesse vient à passer au bras d’un ambassadeur étranger et, pour son malheur, la conversation tombe sur les nouveaux casques. La grande duchesse aperçoit notre ami, debout, casque en tête (et Pétritzky se posait comme Bousoulkof en grande tenue), et le prie de vouloir bien montrer son casque. Il ne bouge pas. Qu’est-ce que cela signifie ? Les camarades lui font des signes, des grimaces. — « Mais donne donc !… » Rien, il ne bouge pas plus que s’il était mort. Tu peux imaginer cette scène. Enfin, on veut lui prendre le casque, mais il se débat, l’ôte et le tend lui-même à la duchesse. « Voilà le nouveau modèle », dit celle-ci en retournant le casque. Et qu’est-ce qui en sort ? Patatras, des poires, des bonbons, deux livres de bonbons ! C’étaient ses provisions, au pauvre garçon ! »

Wronsky riait aux larmes, et longtemps après, en parlant de tout autre chose, il riait encore en songeant à ce malheureux casque, d’un bon rire jeune qui découvrait ses dents blanches et régulières.

Une fois instruit des nouvelles du jour, Wronsky passa son uniforme avec l’aide de son valet de chambre, et alla se présenter à la Place ; il voulait ensuite entrer chez son frère, chez Betzy, et faire une tournée de visites afin de pouvoir paraître dans le monde