Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/234

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bitieux. Quelqu’un l’avait surnommé « la conscience de la société de Pétersbourg ». Karénine appréciait fort cette coterie, et Anna, dont le caractère souple s’assimilait facilement à son entourage, s’y était fait des amis. Après son retour de Moscou, ce milieu lui devint insupportable : il lui sembla qu’elle-même, aussi bien que les autres, y manquait de naturel, et elle vit la comtesse Lydie aussi rarement que possible.

Enfin Anna avait encore des relations d’amitié avec le grand monde par excellence, ce monde de bals, de dîners, de toilettes brillantes, qui tient d’une main à la cour, pour ne pas tomber tout à fait dans le demi-monde qu’il s’imagine mépriser, mais dont les goûts se rapprochent des siens au point d’être identiques. Le lien qui rattachait Anna à cette société était la princesse Betsy Tverskoï, femme d’un de ses cousins, riche de cent vingt mille roubles de revenu et qui s’était éprise d’Anna dès que celle-ci avait paru à Pétersbourg ; elle l’attirait beaucoup et la plaisantait sur la société qu’elle voyait chez la comtesse Lydie.

« Quand je serai vieille et laide, je ferai de même, disait Betsy, mais une jeune et jolie femme comme vous n’a pas sa place dans cet asile de vieillards. »

Anna avait commencé par éviter autant que possible la société de la princesse Tverskoï, la façon de vivre dans ces hautes sphères exigeant des dépenses au-delà de ses moyens ; mais tout changea après son retour de Moscou. Elle négligea ses amis raisonna-