Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/251

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rompue, vacilla de nouveau, comme le feu d’une lampe prête à s’éteindre.

« Sir John !

— Oui, je l’ai vu. Il parle bien. La Wlatief en est positivement amoureuse.

— Est-il vrai que la plus jeune des Wlatief épouse Tapof ?

— On prétend que c’est une chose décidée.

— Je m’étonne que les parents y consentent.

— C’est un mariage de passion, à ce qu’on dit.

— De passion ? où prenez-vous des idées aussi antédiluviennes ? qui parle de passion de nos jours ? dit l’ambassadrice.

— Hélas ! cette vieille mode si ridicule se rencontre toujours, dit Wronsky.

— Tant pis pour ceux qui la conservent : je ne connais, en fait de mariages heureux, que les mariages de raison.

— Oui, mais n’arrive-t-il pas souvent que ces mariages de raison tombent en poussière, précisément à cause de cette passion que vous méconnaissez ?

— Entendons-nous : ce que nous appelons un mariage de raison est celui qu’on fait lorsque des deux parts on a jeté sa gourme. L’amour est un mal par lequel il faut avoir passé, comme la scarlatine.

— Dans ce cas, il serait prudent de recourir à un moyen artificiel de l’inoculer, pour s’en préserver comme de la petite vérole.

— Dans ma jeunesse, j’ai été amoureuse d’un