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CHAPITRE XIII


Pour la première fois, Levine n’endossa pas sa pelisse, mais, vêtu plus légèrement et chaussé de ses grandes bottes, il sortit, enjambant les ruisseaux que le soleil rendait éblouissants, et posant le pied tantôt sur un débris de glace, tantôt dans une boue épaisse.

Le printemps, c’est l’époque des projets et des plans. Levine, en sortant, ne savait pas plus ce qu’il allait d’abord entreprendre que l’arbre ne devinait comment et dans quel sens s’étendraient les jeunes pousses et les jeunes branches enveloppées dans ses bourgeons ; mais il sentait que les plus beaux projets et les plans les plus sages débordaient en lui.

Il alla d’abord voir son bétail. On avait fait sortir les vaches ; elles se chauffaient au soleil en beuglant, comme pour implorer la grâce d’aller aux champs. Levine les connaissait toutes dans leurs moindres détails. Il les examina avec satisfaction, et donna l’ordre au berger tout joyeux de les mener au pâturage et de faire sortir les veaux. Les vachères, ramassant leurs jupes, et barbotant dans la boue, les pieds nus encore exempts de hâle, poursuivaient, une gaule en main, les veaux que le printemps grisait de joie, et les empêchaient de sortir de la cour.

Les nouveau-nés de l’année étaient d’une beauté peu commune ; les plus âgés avaient déjà la taille