Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme elle. À cette nouvelle, l’étrange impression d’horreur qui le poursuivait l’avait saisi plus vivement que jamais, et il comprit que la crise qu’il souhaitait, était arrivée. Dorénavant on ne pouvait plus rien dissimuler au mari, et il fallait sortir au plus tôt, n’importe à quel prix, de cette situation odieuse et insoutenable. Le trouble d’Anna se communiquait à lui. Il la regarda de ses yeux humblement soumis, lui baisa la main, se leva, et se mit à marcher de long en large sur la terrasse, sans parler.

Quand enfin il se rapprocha d’elle, il lui dit d’un ton décidé :

« Ni vous, ni moi, n’avons considéré notre liaison comme un bonheur passager ; maintenant notre sort est fixé. Il faut absolument mettre fin aux mensonges dans lesquels nous vivons ; — et il regarda autour de lui.

— Mettre fin ? Comment y mettre fin, Alexis ? » dit-elle doucement.

Elle s’était calmée et lui souriait tendrement.

« Il faut quitter votre mari et unir nos existences.

— Ne sont-elles pas déjà unies ? répondit-elle à demi-voix.

— Pas tout à fait, pas complètement.

— Mais comment faire, Alexis ? enseigne-le-moi, dit-elle avec une triste ironie, en songeant à ce que sa situation avait d’inextricable. Ne suis-je pas la femme de mon mari ?

— Quelque difficile que soit une situation, elle a toujours une issue quelconque ; il s’agit seulement