Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/346

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« Je suis arrivé d’hier et me voilà ravi d’assister à ton triomphe. — Quand nous reverrons-nous ?

— Entre demain au mess », dit Wronsky, et, s’excusant de le quitter, il lui serra la main et se dirigea vers l’endroit où les chevaux avaient été amenés pour la course d’obstacles.

Les palefreniers emmenaient les chevaux épuisés par la dernière course, et ceux de la course suivante apparaissaient les uns après les autres. C’étaient pour la plupart des chevaux anglais, bien sanglés et encapuchonnés, — on aurait dit d’énormes oiseaux.

Frou-frou, belle dans sa maigreur, approchait, posant un pied après l’autre d’un pas élastique et rebondissant ; — non loin de là, on ôtait à Gladiator sa couverture ; les formes superbes, régulières et robustes de l’étalon, avec sa croupe splendide et ses pieds admirablement taillés, attirèrent l’attention de Wronsky.

Il voulut se rapprocher de Frou-frou, mais quelqu’un l’arrêta encore au passage.

« Voilà Karénine, — il cherche sa femme qui est dans le pavillon, l’avez-vous vue ?

— Non », répondit Wronsky, sans tourner la tête du côté où on lui indiquait Mme Karénine, et il rejoignit son cheval.

À peine eut-il le temps d’examiner quelque chose qu’il fallait rectifier à la selle, qu’on appela ceux qui devaient courir pour leur distribuer leurs numéros d’ordre. Ils approchèrent tous, sérieux, presque