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cavalier à sauter deux obstacles à la fois, au risque de se tuer ; — après la banquette, encore trois fossés, dont deux pleins d’eau, — et enfin le but, devant le pavillon. Ce n’était pas dans l’enceinte même du cercle que commençait la course, mais à une centaine de sagènes en dehors, et sur cet espace se trouvait le premier obstacle, la rivière, qu’on pouvait à volonté sauter ou passer à gué.

Les cavaliers se rangèrent pour le signal, mais trois fois de suite il y eut faux départ ; il fallut recommencer. Le colonel qui dirigeait la course commençait à s’impatienter, — lorsque enfin au quatrième commandement les cavaliers partirent.

Tous les yeux, toutes les lorgnettes étaient dirigés vers les coureurs.

« Ils sont partis ! les voilà ! » cria-t-on de tous côtés.

Et pour mieux les voir, les spectateurs se précipitèrent isolément ou par groupes vers l’endroit d’où on pouvait les apercevoir. Les cavaliers se dispersèrent d’abord un peu ; de loin, ils semblaient courir ensemble, mais les fractions de distance qui les séparaient avaient leur importance.

Frou-frou, agitée et trop nerveuse, perdit du terrain au début, mais Wronsky, tout en la retenant, prit facilement le devant sur deux ou trois chevaux, et ne fut bientôt plus précédée que par Gladiator, qui la dépassait de toute sa longueur, et par la jolie Diane en tête de tous, portant le malheureux Kouzlof, à moitié mort d’émotion.