Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/352

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Frou-frou. Gladiator s’élança à la barrière, agita sa queue écourtée et disparut aux yeux de Wronsky sans avoir heurté l’obstacle.

« Bravo ! » cria une voix.

Au même moment, les planches de la barrière passèrent comme un éclair devant Wronsky, son cheval sauta sans changer d’allure, mais il entendit derrière lui un craquement : Frou-frou, animée par la vue de Gladiator, avait sauté trop tôt et frappé la barrière de ses fers de derrière ; son allure ne varia cependant pas, et Wronsky, la figure éclaboussée de boue, comprit que la distance n’avait pas diminué, en apercevant devant lui la croupe de Gladiator, sa queue coupée et ses rapides pieds blancs.

Frou-frou sembla faire la même réflexion que son maître, car, sans y être excitée, elle augmenta sensiblement de vitesse et se rapprocha de Mahotine en obliquant vers la corde, que Mahotine conservait cependant. Wronsky se demandait si l’on ne pourrait pas le dépasser de l’autre côté de la piste, lorsque Frou-frou, changeant de pied, prit elle-même cette direction. Son épaule, brunie par la sueur, se rapprocha de la croupe de Gladiator. Pendant quelques secondes ils coururent tout près l’un de l’autre ; mais, pour se rapprocher de la corde, Wronsky excita son cheval, et vivement, sur la descente, dépassa Mahotine, dont il entrevit le visage couvert de boue ; il lui sembla que celui-ci souriait. Quoique dépassé, il était là, tout près, et Wronsky entendait