Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/361

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physique, moins de tension d’esprit, et surtout aucune préoccupation morale ; c’était aussi facile que de ne pas respirer.

Le médecin partit en laissant Alexis Alexandrovitch sous l’impression désagréable qu’il avait un principe de maladie auquel on ne pouvait porter remède.

En quittant son malade, le docteur rencontra sur le perron le chef de cabinet d’Alexis Alexandrovitch nommé Studine, un camarade d’Université ; ces messieurs se rencontraient rarement, mais n’en restaient pas moins bons amis ; aussi le docteur n’aurait-il pas parlé à d’autres avec la même franchise qu’à Studine.

« Je suis bien aise que vous l’ayez vu, dit celui-ci : cela ne va pas, il me semble ; qu’en dites-vous ?

— Ce que j’en dis, répondit le docteur, en faisant par-dessus la tête de Studine signe à son cocher d’avancer. Voici ce que j’en dis » ; et il retira de ses mains blanches un doigt de son gant glacé : « Si vous essayez de rompre une corde qui ne soit pas trop tendue, vous réussirez difficilement : mais si vous la tendez à l’extrême, vous la romprez en la touchant du doigt. C’est ce qui lui arrive avec sa vie trop sédentaire et son travail trop consciencieux ; et il y a une pression violente du dehors, conclut le docteur en levant les sourcils d’un air significatif.

— Serez-vous aux courses ? ajouta-t-il en entrant dans sa calèche.

— Oui, oui, certainement, cela prend trop de