Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/396

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pait des malades protégés par Varinka, et particulièrement de la famille d’un pauvre peintre malade nommé Pétrof.

La jeune fille semblait fière de remplir, dans cette famille, les fonctions de sœur de charité. La princesse n’y voyait aucun inconvénient, et s’y opposait d’autant moins que la femme de Pétrof était une personne très convenable, et qu’un jour la Fürstin, remarquant la beauté de Kitty, en avait fait l’éloge, l’appelant un « ange consolateur ». Tout aurait été pour le mieux si la princesse n’avait redouté l’exagération dans laquelle sa fille risquait de tomber.

« Il ne faut rien outrer », lui disait-elle en français.

La jeune fille ne répondait pas, mais elle se demandait dans le fond de son cœur si, en fait de charité, on peut jamais dépasser la mesure dans une religion qui enseigne à tendre la joue gauche lorsque la droite a été frappée, et à partager son manteau avec son prochain. Mais ce qui peinait la princesse, plus encore que cette tendance à l’exagération, c’était de sentir que Kitty ne lui ouvrait pas complètement son cœur. Le fait est que Kitty faisait un secret à sa mère de ses nouveaux sentiments, non qu’elle manquât d’affection ou de respect pour elle, mais simplement parce qu’elle était sa mère, et qu’il lui eût été plus facile de s’ouvrir à une étrangère qu’à elle.

« Il me semble qu’il y a quelque temps que nous