Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/433

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— Je rentrerai à la maison pendant que les paysans se reposeront. »

Le lendemain matin, quoique levé plus tôt que de coutume, Levine, en arrivant à la prairie, trouva les faucheurs déjà à l’ouvrage.

La prairie s’étendait au pied de la colline, avec ses rangées d’herbe déjà fauchée, et les petits monticules noirs formés par les vêtements des travailleurs. Levine découvrit, en approchant, les faucheurs marchant en échelle les uns derrière les autres, et avançant lentement sur le sol inégal de la prairie. Il compta quarante-deux hommes et distingua parmi eux des connaissances : le vieil Ermil, en chemise blanche, le dos voûté, et le jeune Wasia, autrefois son cocher.

Tite, son professeur, un petit vieillard sec, était là aussi, faisant de larges fauchées, sans se baisser, et maniant aisément la faux.

Levine descendit de cheval, attacha l’animal près de la route, et s’approcha de Tite, qui alla aussitôt prendre une faux cachée derrière un buisson, et la lui présenta.

« Elle est prête, Barine, c’est un rasoir, elle fauche toute seule », dit Tite, ôtant son bonnet en souriant.

Levine prit la faux. Les faucheurs, après avoir fini leur ligne, retournaient sur la route ; ils étaient couverts de sueur, mais gais et de bonne humeur, et saluaient tous le maître en souriant. Personne n’osa ouvrir la bouche avant qu’un grand vieillard sans