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CHAPITRE VI


Le travail terminé, les paysans remirent leurs caftans, et reprirent gaiement le chemin du logis. Levine remonta à cheval et se sépara à regret de ses compagnons. Il se retourna sur la hauteur pour les apercevoir encore une fois, mais les vapeurs du soir, s’élevant des bas-fonds, les cachaient. On n’entendait que le choc des faux, et le son de leurs voix riant et causant.

Serge Ivanitch avait dîné depuis longtemps, et dans sa chambre prenait de la limonade glacée, en parcourant les journaux et les revues que la poste venait d’apporter, lorsque Levine entra vivement, les cheveux en désordre, et collés au front par la sueur.

« Nous avons enlevé toute la prairie ! tu ne t’imagines pas comme c’est bon ! Et toi, qu’as-tu fait ? dit-il, oubliant complètement les impressions de la veille.

— Bon Dieu, de quoi tu as l’air ! dit Serge Ivanitch en jetant d’abord un regard mécontent sur son frère. Mais ferme donc la porte, tu en auras fait entrer au moins une dizaine ! »

Serge Ivanitch avait horreur des mouches, et n’ouvrait jamais les fenêtres de sa chambre que le soir, ayant soin de tenir les portes toujours fermées.

« Je t’assure que je n’en ai pas laissé entrer une