Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

extérieur brillant et attrayant, dans ses yeux vifs, ses sourcils noirs, ses cheveux, son teint animé, dans l’ensemble de sa personne, une influence physique qui agissait sur ceux qui le rencontraient. « Ah ! Stiva ! Oblonsky ! le voilà ! » s’écriait-on presque toujours avec un sourire de plaisir quand on l’apercevait ; et quoiqu’il ne résultât rien de particulièrement joyeux de cette rencontre, on ne se réjouissait pas moins de le revoir encore le lendemain et le surlendemain.

Après avoir rempli pendant trois ans la place de président, Stépane Arcadiévitch s’était acquis non seulement l’amitié, mais encore la considération de ses collègues, inférieurs et supérieurs, aussi bien que celle des personnes que les affaires mettaient en rapport avec lui. Les qualités qui lui valaient cette estime générale étaient : premièrement, une extrême indulgence pour chacun, fondée sur le sentiment de ce qui lui manquait à lui-même ; secondement, un libéralisme absolu, non pas le libéralisme prôné par son journal, mais celui qui coulait naturellement dans ses veines et le rendait également affable pour tout le monde, à quelque condition qu’on appartînt ; et, troisièmement surtout, une complète indifférence pour les affaires dont il s’occupait, ce qui lui permettait de ne jamais se passionner et par conséquent de ne pas se tromper.

En arrivant au tribunal, il se rendit à son cabinet particulier, gravement accompagné du suisse qui