Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/453

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de pensée sur les questions de foi, Daria Alexandrovna n’en avait pas moins une religion qui lui tenait à cœur. Cette religion n’avait guère de rapport avec les dogmes de l’Église, et ressemblait étrangement à la métempsycose ; pourtant Dolly remplissait et faisait strictement remplir dans sa famille les prescriptions de l’Église. Elle ne voulait pas seulement par là prêcher d’exemple, elle obéissait à un besoin de son âme, et en ce moment elle se tourmentait à l’idée de ne pas avoir fait communier ses enfants de l’année. Elle résolut d’accomplir ce devoir.

On s’y prit à l’avance pour décider les toilettes des enfants ; des robes furent arrangées, lavées, allongées ; on rajouta des volants, on mit des boutons neufs, des nœuds de rubans. L’Anglaise se chargea de la robe de Tania, et fit faire bien du mauvais sang à Daria Alexandrovna ; les entournures se trouvèrent trop étroites, les pinces du corsage trop hautes ; Tania faisait peine à voir, tant cette robe lui rendait les épaules étroites. Heureusement Matrona Philémonovna eut l’idée d’ajouter de petites pièces au corsage pour l’élargir, et une pèlerine pour dissimuler les pièces. Le mal fut réparé ; mais on en était venu aux paroles amères avec l’Anglaise.

Tout étant terminé, les enfants, parés et rayonnants de joie, se réunirent un dimanche matin sur le perron, devant la calèche attelée, attendant leur mère pour se rendre à l’église. Grâce à la protection de Matrona Philémonovna, on avait remplacé à la