Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Moi ! mais je ne lui en veux pas du tout, répondit-il.

— Oh si ! pourquoi n’êtes-vous venu chez aucun de nous à votre dernier voyage à Moscou ?

— Daria Alexandrovna ! dit-il en rougissant jusqu’à la racine des cheveux. Comment vous, bonne comme vous l’êtes, n’avez-vous pas pitié de moi, sachant…

— Mais je ne sais rien.

— Sachant que j’ai été repoussé ! — et toute la tendresse qu’il avait éprouvée un moment auparavant pour Kitty, s’évanouit au souvenir de l’injure reçue.

— Pourquoi supposez-vous que je le sache ?

— Parce que tout le monde le sait.

— C’est ce qui vous trompe : je m’en doutais, mais je ne savais rien de positif.

— Eh bien, vous savez tout maintenant.

— Ce que je savais, c’est qu’elle était vivement tourmentée par un souvenir auquel elle ne permettait pas qu’on fît allusion. Si elle ne m’a rien confié, à moi, c’est qu’elle n’a rien confié à personne. Qu’y a-t-il eu entre vous ? dites-le-moi !

— Je viens de vous le dire.

— Quand cela s’est-il passé ?

— La dernière fois que j’ai été chez vos parents.

— Savez-vous que Kitty me fait une peine extrême, dit Dolly. Vous souffrez dans votre amour-propre…

— C’est possible, dit Levine, mais… »

Elle l’interrompit.