Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/466

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à Catherine Alexandrovna est devenu impossible : vous comprenez, impossible.

— Encore un mot : vous sentez bien que je vous parle d’une sœur qui m’est chère comme mes propres enfants ; je ne prétends pas qu’elle vous aime, j’ai simplement voulu vous dire que son refus, au moment où elle l’a fait, ne signifiait rien du tout.

— Je ne vous comprends pas ! dit Levine en sautant de sa chaise. Vous ne savez donc pas le mal que vous me faites ? C’est comme si vous aviez perdu un enfant et qu’on vint vous dire : Voici comment il aurait été, et il aurait pu vivre, et vous en auriez eu la joie. Mais il est mort, mort, mort !…

— Que vous êtes singulier ! dit Dolly avec un sourire attristé à la vue de l’émotion de Levine. Ah ! je comprends de plus en plus, continua-t-elle d’un air pensif. Alors vous ne viendrez pas quand Kitty sera ici ?

— Non ! Je ne fuirai pas Catherine Alexandrovna, mais, autant que possible, je lui éviterai le désagrément de ma présence.

— Vous êtes un original, dit Dolly en le regardant affectueusement. Mettons que nous n’ayons rien dit… Que veux-tu, Tania ? dit-elle en français à sa fille qui venait d’entrer.

— Où est ma pelle, maman ?

— Je te parle français, réponds-moi de même. »

L’enfant ne trouvant pas le mot français, sa mère le lui souffla et lui dit ensuite, toujours en français, où il fallait aller chercher sa pelle.