Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/468

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Cette pensée la troubla au point de ne pouvoir ni parler, ni raisonner, ni expliquer son chagrin à Levine. Il la calma de son mieux la voyant malheureuse, lui assura qu’il n’y avait rien là de si terrible, et que tous les enfants se battaient ; mais au fond du cœur il se dit : « Non, je ne me torturerai pas pour parler français à mes enfants ; il ne faut pas gâter et dénaturer le caractère des enfants, c’est ce qui les empêche de rester charmants. Oh ! les miens seront tout différents ! »

Il prit congé de Daria Alexandrovna et partit sans qu’elle cherchât à le retenir.


CHAPITRE XI


Vers la mi-juillet, Levine vit arriver le starosta du bien de sa sœur, situé à vingt verstes de Pakrofsky, avec son rapport sur la marche des affaires et sur la fenaison. Le principal revenu de cette terre provenait de grandes prairies inondées au printemps, que les paysans louaient autrefois moyennant 20 roubles la déssiatine. Lorsque Levine prit l’administration de cette propriété, il trouva, en examinant les prairies, que c’était là un prix trop modique, et mit la déssiatine à 25 roubles. Les paysans refusèrent de les prendre à ces conditions et, comme le soupçonna Levine, firent en sorte de décourager d’autres preneurs. Il fallut se rendre sur place, louer des journaliers, et faucher à son compte, au grand méconten-