Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/578

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ne pouvait arrêter cette exubérance de gaieté. « Et maintenant le voilà couché, avec sa pauvre poitrine creuse et voûtée, et moi je me demande ce que je deviendrai, et je ne sais rien, rien ! »

« Kha, Kha ! que diable fais-tu là et pourquoi ne dors-tu pas ? demanda la voix de Nicolas.

— Je n’en sais rien, une insomnie.

— Moi, j’ai bien dormi, je ne transpire plus : viens me toucher, plus rien. »

Levine obéit, puis se recoucha, éteignit la bougie, mais ne s’endormit pas encore et continua à réfléchir.

« Oui, il se meurt ! il mourra au printemps ; que puis-je faire pour l’aider ? que puis-je lui dire ? que sais-je ? J’avais même oublié qu’il fallait mourir ! »


XXXII


Levine avait souvent remarqué combien la politesse et l’excessive humilité de certaines gens se transforment subitement en exigences et en tracasseries, et il prévoyait que la douceur de son frère ne serait pas de longue durée. Il ne se trompait pas ; dès le lendemain, Nicolas s’irrita des moindres choses, et s’attacha à froisser son frère dans tous ses points les plus sensibles.

Constantin se sentait coupable d’hypocrisie ; mais il ne pouvait exprimer ouvertement sa pensée. Si ces deux frères avaient été sincères, ils se