Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/579

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seraient regardés en face et Constantin n’aurait su que répéter : « Tu vas mourir, tu vas mourir ! » À quoi Nicolas aurait répondu : « Je le sais, et j’ai peur, terriblement peur ! » Ils n’avaient pas d’autres préoccupations dans l’âme. Mais, cette sincérité n’étant pas possible, Constantin tentait, ce qu’il faisait toujours sans succès, de parler de sujets indifférents, et son frère, qui le devinait, s’irritait et relevait chacune de ses paroles.

Le surlendemain, Nicolas entama une fois de plus la question des réformes de son frère qu’il critiqua et confondit, par taquinerie, avec le communisme.

« Tu as pris les idées d’autrui, pour les défigurer et les appliquer là où elles ne sont pas applicables.

— Mais je ne veux en rien copier le communisme qui nie le droit à la propriété, au capital, à l’héritage. Je suis loin de nier des stimulants aussi importants. Je cherche seulement à les régulariser.

— En un mot, tu prends une idée étrangère, tu lui ôtes ce qui en fait la force, et tu prétends la faire passer pour neuve, dit Nicolas en tiraillant sa cravate.

— Mais puisque mes idées n’ont aucun rapport…

— Ces doctrines, continua Nicolas en souriant ironiquement avec un regard étincelant d’irritation, ont du moins l’attrait que j’appellerai géométrique, d’être claires et logiques. Ce sont peut-être