Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/78

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cabinet particulier à sa disposition dans quelques instants : le prince Galitzine, avec une dame, va le laisser libre. Nous avons reçu des huîtres fraîches.

— Ah ! ah ! des huîtres ! »

Stépane Arcadiévitch réfléchit.

« Si nous changions notre plan de campagne, Levine ? — dit-il en posant le doigt sur la carte ; son visage exprimait une hésitation sérieuse. — Mais sont-elles bonnes, tes huîtres ? Fais attention.

— Des huîtres de Flensbourg, Votre Excellence : il n’y en a pas d’Ostende.

— Passe pour des huîtres de Flensbourg. Mais sont-elles fraîches ?

— Elles sont arrivées d’hier.

— Eh bien, qu’en dis-tu ? Si nous commencions par des huîtres et si nous changions ensuite tout notre menu ?

— Cela m’est égal ; pour moi, ce qu’il y a de meilleur, c’est du chtchi[1] et de la kacha[2] ; mais on ne trouve pas cela ici.

— Kacha à la russe, si vous l’ordonnez ? dit le Tatare en se penchant vers Levine comme une bonne vers l’enfant qu’elle garde.

— Sans plaisanterie, tout ce que tu choisiras sera bien. J’ai patiné et je meurs de faim. Ne crois pas, ajouta-t-il en voyant une expression de mécontentement sur la figure d’Oblonsky, que je ne sache

  1. Chtchi, soupe aux choux.
  2. Kacha, gruau de sarrasin, nourriture habituelle du peuple.