Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/97

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les parents : c’est donc à eux de savoir s’arranger comme ils l’entendent. » Raisonnement bien commode pour ceux qui n’avaient pas de filles ! La princesse comprenait qu’en permettant à Kitty la société des jeunes gens, elle courait le risque de la voir s’éprendre de quelqu’un dont eux, ses parents, ne voudraient pas, qui ne ferait pas un bon mari ou qui ne songerait pas à l’épouser. On avait donc beau dire, la princesse ne trouvait pas plus sage de laisser les jeunes gens se marier tout seuls, à leur fantaisie, que de donner des pistolets chargés, en guise de joujoux, à des enfants de cinq ans. C’est pourquoi Kitty la préoccupait plus encore que ses sœurs.

En ce moment, elle craignait surtout que Wronsky ne se bornât à faire l’aimable ; Kitty était éprise, elle le voyait et ne se rassurait qu’en pensant que Wronsky était un galant homme ; mais pouvait-elle se dissimuler qu’avec la liberté de relations nouvellement admise dans la société il n’était bien facile de tourner la tête à une jeune fille, sans que ce genre de délit inspirât le moindre scrupule à un homme du monde ? La semaine précédente, Kitty avait raconté à sa mère une de ses conversations avec Wronsky pendant un cotillon, et cette conversation sembla rassurante à la princesse, sans la tranquilliser complètement. Wronsky avait dit à sa danseuse que son frère et lui étaient si habitués à se soumettre en tout à leur mère, qu’ils n’entreprenaient jamais rien d’important sans la con-