Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu près comme l’habitude de faire des visites ; il n’y parvint pas davantage, car, ainsi que la plupart de ses contemporains, il était absolument dans le vague au point de vue religieux, et, incapable de croire, il l’était également de douter complètement. Cette confusion de sentiments lui causa une honte et une gêne extrêmes pendant le temps consacré à ses dévotions : agir sans comprendre était, lui criait sa conscience, une action mauvaise et mensongère.

Pour n’être pas en contradiction trop flagrante avec ses convictions, il chercha d’abord à attribuer un sens quelconque au service divin avec ses différents rites, mais, s’apercevant qu’il critiquait au lieu de comprendre, il s’efforça de ne plus écouter, et de s’absorber dans les pensées intimes qui l’envahissaient pendant ses longues stations à l’église. — La messe, les vêpres et les prières du soir se passèrent ainsi ; le lendemain matin il se leva de meilleure heure, et vint à jeun vers huit heures pour les prières du matin et la confession. L’église était déserte ; il n’y vit qu’un soldat qui mendiait, deux vieilles femmes et les desservants. Un jeune diacre vint à sa rencontre ; son dos long et maigre se dessinait en deux moitiés bien nettes sous sa mince soutanelle ; il s’approcha d’une petite table près du mur et commença la lecture des prières. Levine l’écoutant répéter à la hâte d’une voix monotone, et en les abrégeant, les mots : « Seigneur, ayez pitié de nous », comme un refrain, resta debout, derrière lui, cherchant à se défendre d’écouter et