Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/203

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Levine n’approuvait pas tout ce mouvement ; il n’en voyait pas le but, et craignait d’irriter son frère, mais celui-ci restait calme et indifférent, quoiqu’un peu confus, et suivait avec intérêt les gestes de la jeune femme. Lorsque Levine rentra de chez le médecin où Kitty l’avait envoyé, il vit, en ouvrant la porte, qu’on changeait le linge du malade. L’énorme dos aux épaules proéminentes, les côtes et les vertèbres saillantes se trouvaient découverts, tandis que Marie Nicolaevna et la domestique s’embrouillaient dans les manches de la chemise, et ne parvenaient pas à y faire entrer les longs bras décharnés de Nicolas. Kitty ferma vivement la porte sans regarder du côté de son beau-frère, mais celui-ci poussa un gémissement, et elle se hâta d’approcher.

« Faites vite, dit-elle.

— N’approchez pas, murmura avec colère le malade, je m’arrangerai seul…

— Que dites-vous ? » demanda Marie.

Mais Kitty entendit et comprit qu’il était honteux et confus de se montrer dans cet état.

« Je ne vois rien ! dit-elle l’aidant à introduire son bras dans la chemise. Marie Nicolaevna, passez de l’autre côté du lit et aidez-nous. Va, dit-elle à son mari, prendre dans mon sac un petit flacon et apporte-le-moi ; pendant ce temps, nous terminerons de ranger. »

Quand Levine revint avec le flacon, le malade était couché, et tout, autour de lui, avait pris un autre aspect. Au lieu de l’air étouffé qu’on respirait