Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/260

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ses cheveux courts ! et ses grands bras ! Il avait bien changé, mais c’était toujours lui, la forme de sa tête, ses lèvres, son petit cou et ses épaules larges.

« Mon petit Serge ! » répéta-t-elle à l’oreille de l’enfant.

Il se souleva sur son coude, tourna sa tête ébouriffée et, cherchant à comprendre, ouvrit les yeux. Pendant quelques secondes il regarda d’un œil interrogateur sa mère immobile près de lui, sourit de bonheur et, les yeux encore à demi fermés par le sommeil, se jeta, non plus sur son oreiller, mais dans ses bras.

« Serge ! mon cher petit garçon ! » balbutia-t-elle, étouffée par les larmes, serrant ce corps mignon dans ses deux bras.

« Maman ! » murmura-t-il, remuant entre les mains de sa mère, comme pour mieux en sentir la pression.

Il saisit le dossier du lit d’une main, l’épaule de sa mère de l’autre et tomba sur elle. Son visage se frottait contre le cou et la poitrine d’Anna, qu’enivrait ce chaud parfum de l’enfant à demi endormi.

« Je savais bien, fit-il entr’ouvrant les yeux, c’est mon jour de naissance : je savais bien que tu viendrais. Je vais tout de suite me lever. »

Et, tout en parlant, il s’assoupit.

Anna le dévorait des yeux ; elle remarquait les changements survenus en son absence, reconnaissait malaisément ces jambes, devenues si longues, ces joues amaigries, ces cheveux qui formaient de petites boucles sur la nuque, là où elle l’avait si