Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inventé quelque chose de nouveau ? Cela s’est décidé, comme toujours, par des regards et des sourires. — Kostia t’a-t-il rien dit de si particulier ?

— Oh ! lui, il a écrit sa déclaration avec de la craie. Qu’il y a longtemps de cela déjà !

— J’y pense, reprit Kitty après un silence pendant lequel les trois femmes avaient été préoccupées des mêmes pensées : ne faudrait-il pas préparer Serge à l’idée que Warinka a eu un premier amour ?

— Tu te figures que tous les hommes attachent autant d’importance à cela que ton mari, reprit Dolly. Je suis sûre que le souvenir de Wronsky le tourmente encore !

— C’est vrai, dit Kitty avec un regard pensif.

— Qu’y a-t-il là qui puisse l’inquiéter ? demanda la princesse, disposée à la susceptibilité dès que sa surveillance maternelle semblait mise en question. Wronsky t’a fait la cour, mais à quelle jeune fille ne la fait-on pas ?

— Quel bonheur pour Kitty qu’Anna soit survenue, fit remarquer Dolly, et comme les rôles sont intervertis ! Anna était heureuse alors, tandis que Kitty se croyait à plaindre. J’ai souvent songé à cela !

— Il est bien inutile de penser à cette femme sans cœur, s’écria la princesse qui ne se consolait pas d’avoir Levine pour gendre au lieu de Wronsky.

— Certes oui, et quant à moi je ne veux pas y penser du tout, reprit Kitty, entendant le pas bien connu de son mari sur l’escalier.