Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/292

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— À qui ne veux-tu plus penser ? » demanda Levine, paraissant sur la terrasse. Personne ne lui répondit, et il ne réitéra pas sa question.

« Je regrette de troubler votre intimité », dit-il, vexé de sentir qu’il interrompait une conversation qu’on ne voulait pas poursuivre devant lui, et pendant un instant il se trouva à l’unisson de la vieille bonne, furieuse de subir la domination des Cherbatzky.

Il s’approcha cependant de Kitty en souriant.

« Viens-tu au-devant des enfants ? J’ai fait atteler.

— Tu ne prétends pas secouer Kitty en char à bancs, j’imagine ?

— Nous irons au pas, princesse. » Levine n’avait pu se décider, comme ses beaux-frères, à nommer la princesse maman, quoiqu’il l’aimât et la respectât ; il aurait cru porter atteinte au souvenir de sa mère. Cette nuance froissait la princesse.

« Alors j’irai à pied, dit Kitty se levant pour prendre le bras de son mari.

— Eh bien, Agathe Mikhaïlovna, vos confitures réussissent-elles, grâce à la nouvelle méthode ? demanda Levine en souriant à la ménagère pour la dérider.

— On prétend qu’elles sont bonnes, mais selon moi elles sont trop cuites.

— Au moins ne tourneront-elles pas, Agathe Mikhaïlovna, dit Kitty, devinant l’intention de son mari, et vous savez qu’il n’y a plus de glace