Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Malgré les protestations de Levine, qui craignait pour ses chevaux, il dut le laisser faire, et la gaieté contagieuse de Weslowsky chantant des romances, et imitant un Anglais conduisant un « four-in-hand », finit par le gagner.

Ils atteignirent Gvosdef riant et plaisantant.


CHAPITRE X


En approchant du but de leur expédition, Levine et Oblonsky eurent la même pensée, celle de se débarrasser de leur incommode compagnon.

« Le beau marais, s’écria Stépane Arcadiévitch, lorsque après une course folle ils arrivèrent encore en pleine chaleur du jour : remarquez-vous les oiseaux de proie ? c’est toujours un indice de gibier.

— Le marais commence à cet îlot, messieurs, expliqua Levine tout en examinant son fusil ; et il leur indiqua un point plus foncé qui tranchait sur l’immense plaine humide, fauchée par endroits. – Nous nous séparerons en deux camps si vous voulez bien, en nous dirigeant vers ce bouquet d’arbres ; puis de là nous gagnerons le moulin. Il m’est arrivé de tuer ici jusqu’à dix-sept bécasses.

— Eh bien, prenez la droite, dit Stépane Arcadiévitch d’un air indifférent, il y a plus d’espace pour deux ; moi, je prendrai la gauche.

— C’est ça, repartit Vassia, vous verrez que nous serons les plus forts. »

Force fut à Levine d’accepter cet arrangement, mais, après l’aventure du coup de fusil, il se méfiait