Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/315

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« Hé, les chasseurs ! cria un paysan assis près d’une télègue dételée, et levant au-dessus de sa tête une bouteille d’eau-de-vie qui brilla au soleil. Venez boire un coup avec nous !

— Que disent-ils ? demanda Weslowsky.

— Ils nous offrent de boire avec eux ; ils se seront partagé les prairies. J’accepterais bien, — ajouta Levine, non sans arrière-pensée, espérant tenter Vassia.

— Mais pourquoi veulent-ils nous régaler ?

— En signe de réjouissance probablement ; allez-y, cela vous amusera.

— Allons, c’est curieux.

— Vous trouverez ensuite votre chemin jusqu’au moulin, – cria Levine, enchanté de voir Vassinka s’éloigner, courbé en deux, butant de ses pieds fatigués contre les mottes de terre, et tenant languissamment son fusil de son bras alourdi.

— Viens aussi toi », cria le paysan à Levine.

Un verre d’eau-de-vie n’eut pas été de trop, car Levine se sentait las et relevait avec peine ses pieds du sol marécageux, mais il aperçut Laska en arrêt, et oublia sa fatigue pour la rejoindre. La présence de Vassinka lui avait porté malheur, croyait-il, mais, celui-ci parti, la chasse ne fut pas plus heureuse, et cependant le gibier ne manquait pas. Quand il atteignit le point où Oblonsky devait le rejoindre, il avait cinq misérables oiseaux dans sa gibecière.

Crac précédait son maître d’un air triomphant ; derrière le chien apparut Stépane Arcadiévitch,