Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/347

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des milliers de roubles. Vois-tu ce grand bâtiment ? C’est un hôpital, son dada du moment, dit-elle avec le sourire d’une femme parlant des faiblesses d’un homme aimé. Sais-tu ce qui le lui a fait construire ? Un reproche d’avarice de ma part, à propos d’une querelle avec des paysans pour une prairie qu’ils réclamaient. L’hôpital est chargé de me prouver l’injustice de mon reproche ; c’est une petitesse, si tu veux, mais je ne l’en aime que mieux. Voilà le château, il date de son grand-père, et rien n’y a été changé extérieurement.

— C’est superbe ! s’écria involontairement Dolly à la vue d’un édifice décoré d’une cotonnade et entouré d’arbres séculaires.

— N’est-ce pas ? du premier étage la vue est splendide. »

La calèche roula sur la route unie de la cour d’honneur ornée de massifs d’arbustes, que des ouvriers entouraient en ce moment de pierres grossièrement taillées ; on s’arrêta sous un péristyle couvert.

« Ces messieurs sont déjà arrivés, dit Anna voyant emmener des chevaux de selle. N’est-ce pas que ce sont de jolies bêtes ? Voilà le cob, mon favori… Où est le comte ? demanda-t-elle à deux laquais en livrée, sortis pour les recevoir. Ah ! les voici, ajouta-t-elle en apercevant Wronsky et Weslowsky venant à leur rencontre.

— Où logerons-nous la princesse ? demanda Wronsky en se tournant vers Anna après avoir baisé la main de Dolly ; dans la chambre à balcon ?

— Oh non ! c’est trop loin ; dans la chambre du