Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/401

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celui de faire cesser leurs querelles ; la crainte que tous deux avaient éprouvée de voir renaître des scènes de jalousie se trouva vaine, même à la suite d’un incident imprévu, la rencontre de Wronsky. Kitty, en compagnie de son père, le rencontra un jour chez sa marraine la princesse Marie Borissowna. En retrouvant ces traits autrefois si connus, elle sentit son cœur battre à l’étouffer, et son visage devenir pourpre ; mais ce fut le seul reproche qu’elle eut à s’adresser, car son émotion ne dura qu’une seconde. Le vieux prince se hâta d’entamer une discussion animée avec Wronsky, et l’entretien n’était pas achevé que Kitty aurait pu soutenir la conversation elle-même sans que son sourire ou l’intonation de sa voix eût prêté aux critiques de son mari, dont elle subissait l’invisible surveillance. Elle échangea quelques mots avec Wronsky, sourit lorsqu’il appela l’assemblée de Kachine « notre parlement », pour montrer qu’elle comprenait la plaisanterie, puis s’adressa à la vieille princesse, et ne tourna la tête que lorsque Wronsky se leva pour partir : elle lui rendit alors son salut simplement et poliment.

Le vieux prince ne fit, en sortant, aucune remarque sur cette rencontre ; mais Kitty comprit à une nuance particulière de tendresse qu’il était content d’elle, et lui fut reconnaissante de son silence. Elle aussi était satisfaite d’avoir été maîtresse de ses sentiments au point de revoir Wronsky presque avec indifférence.