Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/499

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et toutes ses préventions contre cette méchante femme tombèrent à la vue du beau visage sympathique d’Anna.

— J’aurais trouvé naturel votre refus de me voir, dit Anna : je suis faite à tout. Vous avez été malade, me dit-on ; je vous trouve effectivement changée. »

Kitty attribua le ton sec d’Anna à la gêne que lui causait la fausseté de sa situation, et le cœur de la jeune femme se serra de compassion.

Elles causèrent de la maladie de Kitty, de son enfant, de Stiva, mais l’esprit d’Anna était visiblement absent.

« Je suis venue te faire mes adieux, dit-elle à Dolly en se levant.

— Quand pars-tu ? »

Sans lui répondre, Anna se tourna vers Kitty avec un sourire.

« Je suis bien aise de vous avoir revue, j’ai tant entendu parler de vous, même par votre mari. Vous savez qu’il est venu me voir ? il m’a beaucoup plu, ajouta-t-elle avec une intention mauvaise. Où est-il ?

— À la campagne, répondit Kitty en rougissant.

— Faites-lui bien mes amitiés, n’y manquez pas.

— Je les ferai certainement, dit naïvement Kitty avec un regard de compassion.

— Adieu, Dolly ! fit Anna en embrassant celle-ci.

— Elle est toujours aussi séduisante que par le