Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/83

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éclair devant ses yeux : il remarquait tout, et cherchait à étouffer l’espérance qu’il se reprochait d’éprouver. Arrivé devant sa maison, il vit un isvoschik, et une voiture avec un cocher endormi, arrêtés à la porte d’entrée. Devant le vestibule, Alexis Alexandrovitch fit encore un effort de décision, arraché, lui semblait-il, du coin le plus reculé de son cerveau, et qui se formulait ainsi : « Si elle me trompe, je resterai calme et repartirai ; si elle a dit vrai, je respecterai les convenances. »

Avant même que Karénine eût sonné, le suisse ouvrit la porte ; le suisse avait un air étrange, sans cravate, vêtu d’une vieille redingote, et chaussé de pantoufles.

« Que fait madame ?

— Madame est heureusement accouchée hier. »

Alexis, Alexandrovitch s’arrêta tout pâle ; il comprenait combien il avait vivement souhaité cette mort.

« Et sa santé ? »

Korneï, le domestique, descendait précipitamment l’escalier en tenue du matin.

« Madame est très faible, répondit-il ; une consultation a eu lieu hier, et le docteur est ici en ce moment.

— Prends mes effets », dit Alexis Alexandrovitch, un peu soulagé en apprenant que tout espoir de mort n’était pas perdu ; et il entra dans l’antichambre.

Un paletot d’uniforme pendait au porte-manteau ; Alexis Alexandrovitch le remarqua et demanda :