Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/89

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plus de pouls : on attendait la fin à chaque instant.

Wronsky rentra chez lui ; mais il retourna le lendemain matin prendre des nouvelles ; Alexis Alexandrovitch vint à sa rencontre dans l’antichambre et lui dit : « Restez : peut-être vous demandera-t-elle », puis il le mena lui-même dans le boudoir de sa femme. Dans la matinée, l’agitation, la vivacité de pensées et de paroles reparurent pour se terminer encore par un état d’inconscience. Le troisième jour offrit le même caractère et les médecins reprirent espoir. Ce jour-là, Alexis Alexandrovitch entra dans le boudoir où se tenait Wronsky, ferma la porte et s’assit en face de lui.

« Alexis Alexandrovitch, dit Wronsky sentant une explication approcher, je suis incapable de parler et de comprendre. Ayez pitié de moi ! Quelle que soit votre souffrance, croyez bien que la mienne est encore plus terrible. »

Il voulut se lever, mais Alexis Alexandrovitch le retint et lui dit : « Veuillez m’écouter, c’est indispensable ; je suis forcé de vous expliquer la nature des sentiments qui me guident et me guideront encore, afin de vous éviter toute erreur par rapport à moi. Vous savez que je m’étais décidé au divorce et que j’avais fait les premières démarches pour l’obtenir ? je ne vous cacherai pas qu’en commençant ces démarches j’ai hésité, possédé que j’étais du désir de me venger. En recevant la dépêche qui m’appelait, ce désir subsistait. Je dirai plus, je souhaitais sa mort, mais… » il se tut un instant, réfléchissant à