Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/104

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mais de vrais héros qui sont maintenant dans les régions de Iakoutzk, parce qu’ils ont refusé d’entrer dans les rangs des assassins et ont préféré le martyre à l’abandon de la loi du Christ.

Il y en a, tel celui qui m’écrit, qui partiront, mais ne tueront pas. Mais même cette majorité qui part sans réfléchir, pour ne pas penser à ce qu’elle fait, ces hommes, dans le fond de leur âme, sentent, dès maintenant, qu’ils font un acte mauvais en obéissant aux autorités qui les arrachent au travail, à la famille, et les envoient au meurtre inutile, contraire à leur âme et à leur religion. Mais ils partent, parce qu’ils sont tellement liés de tous côtés, qu’ils ne savent où aller.

Et ceux qui restent non seulement le sentent, mais le savent et l’expriment. Hier, j’ai rencontré sur la grand’route des paysans qui revenaient de Toula. L’un d’eux, qui marchait près du chariot, lisait une petite feuille. Je lui ai demandé : — « Est-ce un télégramme ? » Il s’arrêta : — « C’est un télégramme d’hier, mais j’ai aussi celui d’aujourd’hui. »

Il le tira de sa poche, nous nous arrêtâmes, je le lus.

— Qu’est-ce qui s’est passé hier à la gare ? commença-t-il. C’est horrible ! Des femmes, des enfants, plus de mille. Elles hurlaient. On