Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/182

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est si bonne, si aimable, et si franche, qu’elle m’a touché, et je vous y réponds pour vous montrer combien j’apprécie vos bons sentiments à mon égard.

Accéder à votre désir m’est aussi impossible que de me trouver en deux endroits à la fois, ou m’endormir quand je n’ai pas sommeil, ou cesser de penser, de réfléchir à la pensée qui me vient en tête. Pour moi, ce que vous me demandez, c’est-à-dire le retour à la religion dogmatique ou au christianisme, est impossible, non parce que je n’y crois pas, mais parce que j’y ai cru — et bien que moi-même n’aie pas la culture liturgique, j’ai éprouvé des sentiments d’attendrissement que vous décrivez.

Ayant touche la terre ferme, au sortir de cette barque chétive dans laquelle je me tenais à peine au-dessus des flots, je ne puis aucunement retourner à cette barque.

Et le principal, c’est que j’éprouve maintenant la tranquillité complète, absolue, tant pour la vie que pour la mort, dans cette religion à laquelle je fus amené inévitablement par la vie, la raison et les traditions (non par les traditions d’une seule religion, mais par les traditions de toute l’humanité). C’est pourquoi, je n’ai ni besoin, ni droit de chercher quelque chose de plus ferme et de plus solide que ce qui m’est donné, non par mon raisonnement,