Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/195

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l’Église, lors de la composition des Évangiles, et d’autant plus à l’époque du Christ, n’existait pas. D’ailleurs le troisième texte, sur lequel on base le droit exclusif de propager la vérité divine, le verset concluant de Marc et Mathieu, est reconnu pour faux par tous les érudits des Écritures. Encore moins peut-on prouver que la descente des langues de feu sur la tête des apôtres, qu’eux seuls ont vues, signifie que tout ce que diraient ces apôtres — et aussi tous ceux auxquels ils apposeraient les mains, — viendrait de Dieu, c’est-à-dire du Saint-Esprit, et par suite serait toujours et indiscutablement vrai. Et, principalement, si même c’était prouvé (ce qui est tout à fait impossible), nul n’est en mesure de démontrer que ce don d’infaillibilité est précisément dans cette Église qui affirme cela d’elle-même.

La difficulté principale et insoluble réside en ce que l’Église n’est pas une et que chaque Église soutient qu’elle seule est la vraie et que les autres sont mensongères. De sorte que l’affirmation de chaque Église, qu’elle seule est la vraie, est absolument de même importance que l’affirmation d’un homme qui dirait : « Je jure que j’ai raison et que tous ceux qui ne sont pas de mon avis ont tort. » « Nous jurons que nous seuls formons l’Église » — en cela, et seulement en cela, est toute la preuve de l’infailli-