Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/216

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sa propre vie par l’amour égoïste, à reconnaître celle des autres êtres par l’amour de ces êtres, et à se transporter par la pensée en un autre homme, en un animal, en une plante, même en une pierre. Par ce moyen on connaît intérieurement. On perçoit le monde tel que nous le connaissons.

Ce moyen est ce qu’on appelle le don poétique ; c’est l’amour, c’est le renouement de l’union entre les êtres, union qui paraissait être brisée. On sort de soi-même, on entre en un autre. Et l’on peut entrer en tout, se confondre avec Dieu, avec tout.


§


Chaque prescription de morale pratique comporte la possibilité de la contradiction de cette prescription avec les actes qui en découlent.

L’abstinence, c’est-à-dire ne pas manger et devenir incapable de servir les hommes ! Ne pas tuer les animaux : c’est-à-dire leur permettre de nous dévorer ? Ne pas boire de vin ; c’est-à-dire ne pas communier, ne pas se soigner avec du vin ? Ne pas résister au mal par la violence ; quoi donc ? Permettre qu’un homme me tue ou tue les autres ?

La recherche de ces contradictions montre