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âme et de toutes tes pensées, et aime ton prochain comme toi-même.

Si tu dois choisir entre l’utilité de ton prochain que tu vois, et ton propre développement, dont tu ne vois l’utilité pour personne, choisis toujours le développement de ta vie, parce que l’utilité du prochain est toujours douteuse, et que le bien du développement de ta vie est toujours indiscutable.

De même que les souffrances sans but et inconnues semblent incompréhensibles et n’ont de sens qu’en dehors des conditions de la vie que nous voyons, de même le bien sans but, à notre point de vue inutile et inconnu, mais qui est le bien indiscutable de notre développement, nous prouve que notre vie ne se borne pas aux conditions visibles. Là, il me semble, est l’explication de cet égoïsme passionné, invincible qui constitue notre vie. Je ne puis aimer que moi-même, mais pour ne pas souffrir de cet amour, je dois trouver en moi ce qui est digne de l’amour — Dieu. C’est peut-être pourquoi il est dit : Aime ton Dieu de tout ton cœur et de toutes tes pensées.

On dira que c’est de l’égoïsme et que le bien des hommes c’est l’utilitarisme. L’un et l’autre sont à la fois injustes et vrais et l’un prouve l’autre. En soi, l’homme ne trouvera de sens que dans le développement de sa vie. Hors de soi, il