Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/23

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maux ; de l’autre, des chrétiens qui professent la loi de la fraternité et de l’amour ; ces hommes, comme des bêtes sauvages, se poursuivent les uns les autres, sur la terre et sur mer, pour se tuer, se mutiler de la façon la plus cruelle.

Qu’est-ce donc ? Est-ce un rêve ou la réalité ? En présence d’un acte qui ne doit pas, qui ne peut pas être, on veut croire que c’est un rêve et l’on veut s’éveiller. Mais non, ce n’est pas un rêve ; c’est la terrible réalité.

Prenons un Japonais, détaché de son champ, pauvre, ignorant, trompé, à qui l’on fait croire que le Bouddhisme ne consiste pas en la commisération pour tout être vivant, et qu’il consiste à faire des sacrifices aux idoles, ou un semblable pauvre garçon de Toula, de Nijni-Novgorod, illettré, à qui l’on enseigne que le christianisme consiste en l’adoration du Christ, de la mère de Dieu, des Saints et de leurs icônes, à la rigueur on peut comprendre que ces malheureux, amenés, par une violence séculaire et par la tromperie, à trouver bien le plus grand crime du monde : le meurtre de ses semblables, puissent commettre cet acte affreux sans se juger coupables. Mais comment les hommes soi-disant éclairés, peuvent-ils propager la guerre, y aider, y participer et, ce qu’il y a de plus terrible, sans s’exposer aux