Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/252

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mette de conseiller aux autres de vivre dans la misère, je le fais hardiment, parce que je ne doute pas un moment que votre vie ne soit bonne devant votre conscience et devant Dieu, et que ce ne soit la vie la plus nécessaire et la plus utile aux hommes. Tandis que mon activité, quelque utile qu’elle puisse paraître à certains hommes, perd, sinon tout, j’aime à le croire, mais la plus grande partie de son importance, parce que ma vie n’est pas entièrement en accord avec ce que je professe.

J’ai eu, ces jours-ci, la visite d’un Américain, Bryan, un homme très intelligent et très religieux ; il me demanda pourquoi je crois nécessaire le simple travail manuel. Je lui ai répondu presque la même chose que ce que vous m’écrivez : 1o que c’est un indice de franchise quant à la reconnaissance de l’égalité des hommes ; 2o que le travail manuel nous rapproche de la majorité des travailleurs desquels nous sommes séparés par un mur, en profitant de leur misère ; 3o que le travail manuel nous donne le bien supérieur : la tranquillité de la conscience, que ne peut avoir l’homme sincère qui jouit des services des esclaves.

Voilà donc ma réponse au premier point de votre lettre.

Passons maintenant au second point, le plus délicat, l’éducation religieuse.