Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/49

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questions auxquelles ils ne comprennent rien, ils continuent, persuadés que les choses sont bien ainsi. C’est pourquoi il y a, en ce moment, là-bas, des cadavres dont les crabes sont en train, sous les flots, de dévorer les membres mutilés.

Je ne sais pas, lorsque la mitraille brisait, renversait tout autour d’eux, s’ils étaient contents de savoir que c’était pour leur bien et afin de retremper l’âme de leurs contemporains, qui a perdu son ressort par l’excès de la civilisation. Les malheureux n’avaient sans doute pas lu Joseph de Maistre. Je recommande aux blessés de le lire, entre deux pansements. Le chapitre consacré à « la destruction violente de l’espèce humaine » leur découvrira des horizons.

Ils apprendront que la guerre est nécessaire, comme le bourreau, parce qu’elle est, comme lui, l’émanation de la justice de Dieu. Et cette forte pensée leur sera une consolation quand la scie du chirurgien leur entamera les os. (H. Harduin.)


J’ai lu dans les Rousskia Viedomosti que l’avantage de la Russie est en cela qu’elle a chez elle un matériel humain inépuisable.

Pour les enfants à qui l’on tuera le père, la femme à qui l’on tuera le mari, la mère à qui l’on tuera le fils, ce matériel s’épuisera vite. (Lettre d’une mère russe, mars 1904.)


Toujours elle a faussé le développement historique de l’humanité, violé le droit, enrayé le progrès.

Sans doute, certaines guerres ont été suivies de résultats avantageux à la civilisation générale ; mais les conséquences nuisibles de ces mêmes guerres l’ont toujours emporté de beaucoup sur ces résultats bien-