Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/59

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qu’il veut de moi : aimer mon prochain, le servir, agir envers lui comme je veux qu’il agisse envers moi.

« En dirigeant des hommes, ordonnant des ; violences, des supplices, et, chose plus terrible, des guerres, est-ce que je fais ce qu’il faut ? Les hommes me disent que je dois agir ainsi, et Dieu dit que je dois faire toute autre chose. C’est pourquoi on a beau me dire que moi, chef d’État, je dois exiger la violence, la perception des impôts, les supplices, et surtout les guerres, c’est-à-dire le meurtre de mon prochain, je ne veux ni ne peux le faire. »

Et c’est aussi ce que doit dire un soldat, à qui l’on inspire qu’il doit tuer des hommes, et le ministre qui croit de son devoir de préparer la guerre, et le journaliste qui excite à la guerre, et chaque homme qui se demande ce qu’il est, et quelle est sa destination. Et aussitôt que le chef d’État cessera de diriger la guerre, le soldat cessera de guerroyer, le ministre de préparer les moyens de guerre, les journalistes d’y provoquer ; alors, sans aucune nouvelle institution, adaptation, équilibre, ni tribunaux, se détruira d’elle-même cette situation sans issue, dans laquelle se placent les hommes, non seulement envers la guerre, mais envers toutes les calamités qu’ils s’imposent eux-mêmes.

De sorte que, si étrange que cela paraisse,