Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/61

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Partout où vous trouverez dans la nature humaine ou dans la nature d’un être quelconque une propriété commune et toujours caractéristique, vous pouvez être absolument convaincu que, dans le monde, il y a quelque chose qui correspond à ce qui a provoqué cette propriété. Partout et toujours, vous trouvez que l’homme est un être religieux. Partout, vous le trouvez croyant qu’un monde inconnu l’entoure. De quelque théorie que vous envisagiez le monde, le monde nous a faits ce que nous sommes, et si le monde n’est pas une tromperie, alors ce qui correspond à ce monde en nous, est aussi une réalité, parce que c’est le monde réel qui a provoqué en nous ces propriétés. (Sauvage.)


L’homme peut se considérer comme un animal parmi les animaux qui vivent au jour le jour ; il peut se considérer comme membre de la famille, de la société, du peuple qui vit durant des siècles ; il peut, et même il doit absolument (parce que la raison y entraîne fatalement) se considérer comme partie du monde infini, C’est pourquoi l’homme raisonnable établit toujours, outre son rapport envers les phénomènes les plus proches de la vie, son rapport envers tout le monde infini dans le temps et l’espace, par conséquent incompréhensible pour lui, en le regardant comme une seule unité.

Et cet établissement du rapport de l’homme envers cet incompréhensible dont il se sent partie et duquel il tire le guide de ses actes, c’est ce qu’on appelle la Religion. C’est pourquoi la religion fut toujours et ne peut cesser d’être une nécessite, la condition absolue de la vie de l’homme raisonnable et de l’humanité qui pense.