Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/75

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Soyez donc fermes, ayant la vérité pour ceinture de vos reins, et étant revêtus de la cuirasse de la justice. (Saint-Paul. Épître aux Éphésiens, VI, 11, 12, 13, 14.)


Mais comment agir maintenant, tout de suite, immédiatement ? me dira-t-on. Chez nous, en Russie, maintenant que les ennemis sont déjà sur nous, tuent les nôtres, nous menacent, comment doit agir le soldat russe, l’officier, le général, l’empereur ou un simple individu ? Peut-on laisser les ennemis ruiner nos terres, s’emparer des produits de nos travaux, faire des prisonniers, tuer les nôtres ? Que faire maintenant que c’est commencé ?

Mais avant le commencement de la guerre, et qui que ce soit qui l’ait commencée, — doit répondre quiconque se ressaisit — avant tout, c’est ma vie qui est commencée, et l’œuvre de ma vie n’a rien de commun avec la reconnaissance des droits des Chinois, des Japonais ou des Russes sur Port-Arthur. L’œuvre de ma vie, c’est de remplir la volonté de Celui qui m’a envoyé en ce monde. Et cette volonté, je la connais. Elle est en ceci : je dois aimer mon prochain et le servir. Pourquoi donc, suivant les exigences temporaires, accidentelles, insensées et cruelles, trahirais-je la loi éternelle et immuable de toute ma vie ? Si Dieu existe, quand je mourrai (ce qui peut arriver à chaque