Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Akoulina se leva, prépara les bottes usées de son mari, son cafetan et, sans le regarder, lui demanda :

— Faut-il te préparer une chemise ?

— Non, répondit-il.

Akoulina ne jeta pas un seul regard à son mari, pendant qu’il faisait sa toilette, et elle eut raison de le laisser tranquille.

Il était d’une pâleur extrême. Sa lèvre inférieure tremblait, toute sa figure portait cette expression de tristesse et de soumission que l’on voit chez les personnes bonnes, mais faibles de caractère, qui se sentent coupables.

Il se coiffa et voulut sortir. Sa femme s’approcha de lui, arrangea les bouts de corde qui lui servaient de ceinture, et lui mit son chapeau sur la tête.

— Qu’est-ce qu’il y a, Polikei Illitch ? Est-ce Madame qui vous appelle ?… demanda la femme du menuisier de l’autre côté de la cloison.

La femme du menuisier avait eu une grande querelle avec Akoulina pour une cuve de lessive que les enfants de Polikei avaient renversée. Elle était enchantée que Madame fît appeler Polikei. Ce ne pouvait être que pour le gronder.

— On veut vous envoyer en ville, pour des commissions probablement, continua-t-elle d’une voix moqueuse. On veut envoyer un homme sûr et naturellement on ne peut trouver mieux. Vous aurez la bonté de m’acheter un quart de thé, n’est-ce pas, Polikei Illitch ?

Akoulina eut de la peine à retenir ses larmes. Avec quel plaisir elle se serait jetée sur cette tigresse et lui aurait secoué sa vilaine tignasse.

Puis, à l’idée que ses enfants allaient rester orphe-