Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/62

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Douniacha alla à l’office.

— Toute la somme y est-elle ? demanda Doutlof.

— Tu compteras toi-même, dit Douniacha, lui remettant l’enveloppe ; on m’a ordonné de te la donner.

Doutlof mit son chapeau sur la table et commença à compter.

Il avait compris que Madame ne savait pas faire le compte elle-même.

— Tu compteras à la maison ! C’est pour toi, tout cet argent, dit Douniacha indignée… Je ne veux même pas le voir, a dit Madame, donne-le à celui qui l’a apporté.

Doutlof regarda Douniacha d’un air ahuri.

La seconde femme de chambre ne put croire une chose aussi inouïe.

— Voyons, vous plaisantez, Avdotia Nikolaievna ?

— Mais pas du tout, elle m’a dit de remettre l’argent au paysan… Eh bien ! prends tes richesses et laisse-nous tranquilles, continua-t-elle d’un ton vexé. Que voulez-vous, c’est toujours ainsi ; ce qui fait le malheur de l’un fait le bonheur de l’autre.

— Mais voyons, c’est quatre cent soixante-deux roubles !

— Eh bien, oui !… Tu mettras un cierge de dix kopeks à Saint-Nicolas, répondit-elle avec ironie. Tu ne comprends donc pas encore ?… Si c’était au moins un paysan pauvre, mais ce richard de Doutlof !

Doutlof finit enfin par comprendre que ce n’était pas une plaisanterie. Il ramassa les billets et les remit avec soin dans l’enveloppe. Pâle et tremblant, il regardait les jeunes filles, se demandant toujours si elles ne se moquaient pas de lui.

— Il n’a pas encore compris, dit Douniacha d’un